Le glaucome n’est pas une maladie qui se guérit, mais une condition que l’on peut contrôler - à condition de bien agir au bon moment. Quand les gouttes et les lasers ne suffisent plus, la chirurgie devient la seule option pour éviter une perte de vision irréversible. Deux grandes familles de chirurgies dominent aujourd’hui : la trabéculectomie, vieille de plus de 60 ans, et les MIGS (Interventions Minimalement Invasives pour le Glaucome), une révolution récente. Le choix entre les deux n’est pas une question de « meilleur » ou « pire », mais de « adapté à qui et à quel stade ».
La trabéculectomie : le classique qui reste efficace
La trabéculectomie, inventée dans les années 1960, reste la référence absolue pour les cas avancés. Son principe est simple : créer une voie de drainage artificielle pour faire sortir l’humeur aqueuse de l’œil. Le chirurgien découpe une petite trappe dans la sclère (la partie blanche de l’œil), retire un morceau du tissu trabéculaire (le filtre naturel de l’œil), et laisse l’humeur s’écouler sous la conjonctive, formant une petite poche appelée « bleb ». Cette procédure réduit la pression intraoculaire (PIO) de 40 à 60 %, souvent jusqu’à 5-15 mmHg - un niveau très bas, essentiel pour les patients avec un glaucome avancé. Selon les données de Mass Eye and Ear en 2023, elle atteint son objectif dans 85 à 90 % des cas après un an. Pourtant, ce succès a un prix : la complexité. La chirurgie dure environ 60 minutes, nécessite une anesthésie locale, et exige une surveillance intensive pendant 3 à 6 mois. Les complications ne sont pas rares : fuite du bleb (10-15 % des cas), échec du drainage (10-20 % après 5 ans), hypotonie (pression trop basse), ou même endophtalmite (infection grave, 0,5-2 %). Un patient doit éviter de se frotter les yeux, de faire de l’effort physique, et de se baigner pendant des semaines. Il faut aussi des visites fréquentes pour nettoyer, piquer ou couper des points de suture. C’est une chirurgie exigeante, pour un patient qui a besoin d’un contrôle strict et durable.MIGS : la révolution douce
Les MIGS sont nées autour de 2012, avec l’approbation du premier dispositif, l’iStent. Leur philosophie ? Faire moins, mais mieux : moins d’incision, moins de traumatisme, moins de risques, et une récupération en quelques jours. Ces interventions utilisent des micro-instruments de moins de 1,5 mm, souvent combinées à une cataracte en même temps. Les types les plus courants sont :- iStent inject : deux micro-stents dans le canal de Schlemm, réduisant la PIO de 25-30 %.
- Hydrus Microstent : un petit scaffold de 8 mm qui élargit le canal naturel.
- Xen Gel Stent : un tube en gel de 6 mm qui draine vers l’espace sous-conjonctival, comme une mini-trabéculectomie.
- GATT : une technique qui ouvre 360° du canal de Schlemm à l’aide d’un fil.
Combien ça coûte ?
Le prix varie fortement selon la technique et le pays. Aux États-Unis, en 2025 :- Trabéculectomie : environ 4 200 $ par œil.
- Xen Gel Stent : environ 6 300 $.
- Tube shunt : entre 5 000 $ et 7 500 $.
Le nouveau chemin thérapeutique
La pratique a changé. Avant, on commençait par les gouttes, puis on passait à la chirurgie si ça ne marchait pas. Aujourd’hui, le premier pas est souvent le laser : la trabéculectomie sélective (SLT). Lancée en 1998, elle est maintenant recommandée en première ligne par les guides internationaux, notamment après les résultats du LiGHT trial en 2023. Ce grand essai a montré que 75 % des patients gardaient une pression cible après 3 ans avec le SLT - presque autant qu’avec les gouttes, mais sans effets secondaires systémiques. Le nouveau modèle ressemble à ça :- SLT en premier pour le glaucome ouvert à angle large (le plus courant).
- Si le SLT échoue ou n’est pas suffisant : MIGS, surtout en association avec la chirurgie de la cataracte.
- Si la maladie progresse malgré MIGS, ou si la pression doit être très basse : trabéculectomie ou shunt.
Quel avenir pour les chirurgies du glaucome ?
Les innovations ne s’arrêtent pas. Le DSLT (Trabéculectomie Sélective Directe) traite automatiquement 360° du canal de Schlemm sans contact avec l’œil - plus rapide, mais un peu moins efficace que le SLT classique. Des dispositifs expérimentaux sont aussi testés dans l’espace suprachoroïdien, une nouvelle voie de drainage sous la rétine. Le marché mondial des chirurgies du glaucome devrait passer de 4,2 milliards de dollars en 2024 à 6,8 milliards en 2029. Les MIGS représentent déjà 65 % des chirurgies indépendantes aux États-Unis. En France, leur adoption suit la même courbe, lentement mais sûrement. La tendance est claire : moins d’agressivité, plus de précision, plus de personnalisation. Le futur ne sera plus « une chirurgie pour tous », mais « la bonne chirurgie pour chaque patient ».Comment choisir entre les options ?
Il n’y a pas de bonne réponse universelle. Voici les critères qui guident le choix :- Stade du glaucome : léger/modéré → MIGS ; avancé → trabéculectomie.
- Pression cible : besoin d’une PIO < 15 mmHg → trabéculectomie ; 15-18 mmHg suffisant → MIGS.
- Âge et espérance de vie : jeune patient → besoin de contrôle durable → trabéculectomie ; patient âgé → préférer la sécurité → MIGS.
- Autres pathologies : cataracte en cours → MIGS combiné ; antécédents de chirurgie oculaire → éviter les MIGS si les voies naturelles sont endommagées.
- Préférences du patient : veut éviter les visites fréquentes ? MIGS. Accepte un suivi intensif pour un meilleur contrôle ? Trabéculectomie.
Qu’est-ce qui se passe après la chirurgie ?
Après une trabéculectomie, le suivi est un marathon. Des visites hebdomadaires pendant un mois, puis tous les mois pendant 3 à 6 mois. On vérifie la forme du bleb, la pression, la vision. Si le drainage se bouche, un geste simple - une « needling » - peut le rouvrir. Ce n’est pas une complication, c’est une étape normale. Après un MIGS, c’est un sprint. Une visite après 1 semaine, une autre après 1 mois. La plupart des patients n’ont plus besoin de gouttes, ou en prennent beaucoup moins - en moyenne 1,5 à 2 gouttes de moins par jour. La récupération visuelle est rapide, souvent en 48 à 72 heures.
Quels sont les risques réels ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :| Paramètre | Trabéculectomie | MIGS |
|---|---|---|
| Réduction de la PIO moyenne | 40-60 % | 20-30 % | Pression cible atteinte (à 1 an) | 85-90 % | 70-80 % |
| Complications graves | 5-15 % | 1-3 % |
| Rechute après 5 ans | 10-20 % | Données limitées |
| Temps de récupération | 4-6 semaines | 1-2 semaines |
| Suivi post-op | 3-6 mois | 1-2 mois |
Questions fréquentes
La MIGS peut-elle remplacer la trabéculectomie ?
Pas encore pour tous les cas. La MIGS est excellente pour le glaucome léger à modéré, où une pression de 15-18 mmHg suffit. Mais si vous avez un glaucome avancé, une pression cible très basse (moins de 15 mmHg), ou si une MIGS a déjà échoué, la trabéculectomie reste la seule option fiable pour préserver votre vision à long terme.
Est-ce que je vais encore avoir besoin de gouttes après une chirurgie ?
C’est très probable, surtout après une MIGS. La plupart des patients réduisent leur nombre de gouttes de 1,5 à 2 par jour, mais peu arrêtent complètement. Après une trabéculectomie, certains n’en ont plus besoin, mais d’autres en gardent une pour stabiliser la pression. Ce n’est pas un échec : c’est un contrôle plus fin.
La SLT est-elle vraiment aussi efficace que les gouttes ?
Oui, selon le grand essai LiGHT de 2023. 75,3 % des patients ont maintenu leur pression cible avec la SLT, contre 73,2 % avec les gouttes. La SLT est maintenant recommandée comme traitement de première ligne pour le glaucome ouvert à angle large. Elle est plus sûre, moins coûteuse, et sans effets secondaires comme la fatigue, les yeux secs ou les réactions allergiques.
Combien de temps dure l’effet d’une MIGS ?
Les données à long terme (plus de 5 ans) sont encore limitées, car les MIGS sont récentes. Mais les études à 3 ans montrent une stabilité du contrôle de la pression dans 70 à 80 % des cas. Si la pression augmente à nouveau, une autre MIGS ou une trabéculectomie peut être envisagée. Ce n’est pas une solution définitive, mais une pause durable.
Puis-je faire une MIGS sans chirurgie de la cataracte ?
Oui, mais c’est plus rare. La plupart des MIGS sont faites en même temps que la cataracte, car les incisions sont similaires. Une MIGS isolée est possible, mais elle nécessite une incision supplémentaire, ce qui augmente légèrement les risques. Les chirurgiens préfèrent la combinaison quand c’est possible.
James Harris
décembre 17, 2025 AT 04:07Trabéculectomie = last resort. MIGS pour les cas légers, point. Fin de l’histoire.