Efforts du Congrès américain pour lutter contre les pénuries de médicaments en 2025

Efforts du Congrès américain pour lutter contre les pénuries de médicaments en 2025
16 novembre 2025 0 Commentaires Fabienne Martel

En 2025, les États-Unis font face à l’une des pires crises de pénuries de médicaments de leur histoire. Plus de 287 médicaments sont en rupture de stock, dont 47 % sont essentiels pour sauver des vies - des antibiotiques, des anesthésiques, des traitements contre le cancer. Et pourtant, le Congrès américain, loin de réagir avec urgence, est bloqué dans une grève gouvernementale sans précédent. Depuis le 1er octobre, aucune agence fédérale ne fonctionne normalement. Pas de FDA. Pas de personnel pour surveiller les chaînes d’approvisionnement. Pas de mise à jour du portail des pénuries. Les hôpitaux, eux, sont en mode crise : 98 % ont connu au moins une rupture critique de médicament au troisième trimestre 2025, selon l’American Hospital Association.

La loi S.2665 : une réponse technique, mais bloquée

Le S.2665, ou Drug Shortage Prevention Act of 2025, est la proposition la plus concrète du Sénat pour lutter contre ce fléau. Elle oblige les fabricants de médicaments à notifier la FDA dès qu’ils anticipent une augmentation soudaine de la demande pour un médicament critique. L’idée est simple : si l’agence sait à l’avance qu’un médicament va manquer, elle peut alerter les hôpitaux, détourner les stocks, ou accélérer les autorisations d’importation. Mais cette loi, introduite le 1er août 2025 par la sénatrice Amy Klobuchar, n’a jamais dépassé le comité de la Santé, de l’Éducation et du Travail. Pourquoi ? Parce que la FDA, l’agence chargée de l’appliquer, est fermée. Personne ne peut recevoir les notifications. Personne ne peut vérifier les données. Personne ne peut agir.

Le problème ? Le texte ne précise pas quels médicaments sont considérés comme « critiques », ni quelles sanctions encourront les entreprises qui ne déclareront pas. Il ne dit pas non plus combien d’argent il faudra pour faire fonctionner ce nouveau système. Le Congressional Budget Office estime qu’il faudrait 45 millions de dollars par an - une somme qui n’est même pas sur la table, alors que le déficit fédéral a atteint 1,74 trillion de dollars en un an. Et pendant ce temps, les fabricants de médicaments génériques, responsables de 63 % des ruptures selon l’Association for Accessible Medicines, continuent de reporter la production pour des raisons de rentabilité ou de problèmes techniques.

H.R.1160 : une autre loi, un mystère

En parallèle, la Chambre des représentants a présenté H.R.1160, la Health Care Provider Shortage Minimization Act of 2025. Son titre suggère qu’elle vise à réduire la pénurie de professionnels de santé - un autre fléau. En 2025, 122 millions d’Américains vivent dans des zones où il n’y a pas assez de médecins de soins primaires. D’ici 2034, le pays manquera de 124 000 médecins, selon l’American Association of Medical Colleges. Mais ici, le mystère est total. Aucun texte officiel n’est publié. Aucun sénateur n’a été désigné comme auteur. Aucun comité n’a été assigné. Les bases de données du Congrès ne contiennent que le numéro et le titre. Pas de détails. Pas de propositions. Pas de financement.

Les professionnels de santé n’ont pas été informés. Seuls 12 % des médecins interrogés par l’American Medical Association en septembre 2025 savaient même que cette loi existait. Pourtant, 87 % d’entre eux affirment que les pénuries de personnel affectent directement les soins aux patients. Une loi qui ne parle à personne ne peut pas changer grand-chose. Et dans un contexte où le Congrès est plus occupé à débattre de la possibilité pour les sénateurs de poursuivre en justice pour des enregistrements téléphoniques que de sauver des vies, H.R.1160 ressemble davantage à un signal politique qu’à une solution réelle.

Un sénateur hésitant à voter sur une loi bloquée, entouré d'ombres de patients et d'horloge marquant la fin du délai.

Le blocage du gouvernement : le vrai obstacle

La grève gouvernementale, la plus longue de l’histoire américaine, est le véritable frein. 800 000 employés fédéraux sont en congé forcé. Les agents de la FDA, chargés de surveiller les stocks, de vérifier les usines et de coordonner les réponses aux pénuries, ne travaillent plus. Le portail des pénuries, qui devrait être la source principale d’information pour les hôpitaux, est lent, obsolète, et n’est plus mis à jour. Les équipes qui auraient dû analyser S.2665 et préparer son application sont en arrêt. Les experts du Congressional Research Service ne peuvent pas publier leurs rapports. Les organisations comme le Committee for a Responsible Federal Budget ne peuvent pas évaluer les coûts.

Le 10 novembre, les républicains du Sénat ont proposé une résolution pour prolonger le financement du gouvernement jusqu’au 30 janvier 2026. Mais cette proposition ne contient aucune mention des pénuries de médicaments, ni du personnel médical. Elle ne prévoit pas un centime pour la FDA. Elle ne parle même pas de la santé publique. C’est un budget pour garder les lumières allumées, pas pour sauver des vies.

Une infirmière remet un médicament non homologué à une mère, sous un ciel où le Capitole s'effondre en cendres.

Les conséquences sur le terrain

Les hôpitaux ne peuvent plus compter sur les systèmes fédéraux. Certains ont commencé à acheter des médicaments sur des marchés parallèles. D’autres ont dû remplacer des traitements éprouvés par des alternatives moins efficaces, parfois plus toxiques. Une infirmière à Philadelphie a raconté à Politico qu’elle a dû administrer un anticoagulant d’origine indienne à un patient atteint d’un caillot sanguin - un médicament non homologué aux États-Unis, mais disponible en urgence grâce à un fournisseur privé. « Ce n’est pas de la médecine. C’est de la survie », a-t-elle dit.

Les patients atteints de cancer, de maladies chroniques ou d’infections graves sont les plus touchés. Les traitements qui doivent être administrés à des dates précises sont retardés. Les chimiothérapies sont réduites. Les antibiotiques sont remplacés par des versions plus chères, parfois inaccessibles pour les patients sans assurance. Les familles paient plus. Les décès augmentent. Et pourtant, les médias mainstream parlent peu de tout cela. Le Congrès, lui, préfère se concentrer sur des débats politiques qui ne concernent que quelques élus.

Que peut-on attendre maintenant ?

À moins que le Congrès ne trouve un accord avant le 30 novembre 2025, la grève continuera. Et si elle dure jusqu’en janvier 2026, les deux lois - S.2665 et H.R.1160 - expireront automatiquement avec la fin de la 119e législature. Elles devront être réécrites, réintroduites, et repassées par tous les comités. Cela prendra au moins un an. En attendant, les pénuries continueront. Les hôpitaux continueront à faire des choix impossibles. Les patients continueront à payer le prix fort.

Les solutions existent : des systèmes de notification obligatoires, des incitations pour les fabricants de génériques, des programmes de formation accélérée pour les infirmières et les médecins. Mais elles ne marcheront que si le gouvernement fonctionne. Et pour l’instant, il ne fonctionne pas.

Pourquoi les lois sur les pénuries de médicaments ne progressent-elles pas au Congrès ?

Les lois comme S.2665 et H.R.1160 sont bloquées parce que le gouvernement fédéral est en grève depuis octobre 2025. Toutes les agences fédérales, y compris la FDA, sont fermées. Aucun personnel ne peut étudier, réviser ou appliquer ces lois. De plus, le Congrès est concentré sur des débats budgétaires et politiques, pas sur la santé publique. Sans financement ni fonctionnement administratif, même les meilleures lois restent du papier.

Quels médicaments sont les plus touchés par les pénuries ?

Les médicaments les plus critiques sont les anesthésiques comme le propofol, les antibiotiques comme la colistine, les traitements contre le cancer comme le doxorubicine, et les médicaments pour les maladies rares comme le fludarabine. En septembre 2025, 47 % des 287 médicaments en rupture de stock étaient classés comme « critiques » par la FDA - c’est-à-dire qu’ils n’ont pas d’alternative efficace. La plupart sont des génériques peu rentables, fabriqués à l’étranger, et dont la production est facilement interrompue.

Les fabricants de médicaments sont-ils responsables des pénuries ?

Oui, dans une large mesure. Selon l’Association for Accessible Medicines, 63 % des ruptures sont dues à des retards de fabrication, souvent causés par des problèmes de qualité, des fermetures d’usines, ou des choix économiques. Les fabricants privilégient les médicaments rentables et laissent de côté les génériques coûteux à produire. La loi S.2665 vise à les obliger à prévenir la FDA, mais sans sanctions claires, elle risque de rester inefficace.

Quel impact a la pénurie de personnel médical sur les pénuries de médicaments ?

La pénurie de médecins et d’infirmières rend la gestion des pénuries encore plus difficile. Avec moins de professionnels, les hôpitaux ont moins de capacité à adapter les traitements, à surveiller les stocks, ou à communiquer avec les patients. En 2025, 122 millions d’Américains vivent dans des zones où il n’y a pas assez de soins primaires. Quand un médicament manque, il n’y a pas toujours de médecin pour trouver une alternative. C’est un cercle vicieux.

Existe-t-il des solutions alternatives en attendant une loi ?

Certains hôpitaux et pharmacies ont créé des réseaux régionaux pour partager les stocks. D’autres ont recours à des fournisseurs internationaux non officiels - ce qui est risqué. Des associations comme l’American Society of Health-System Pharmacists ont développé des listes de priorisation pour les traitements critiques. Mais ce sont des solutions temporaires. Aucune ne remplace un système fédéral fiable, coordonné et financé. Sans action du Congrès, les pénuries ne feront que s’aggraver.